Le Plateau
Paris

Les fleurs américaines

Autobiographie d’Alice B. Toklas, collection du Salon de Fleurus, New York. Musée d’Art Moderne, collection du Museum of American Art, Berlin
50 Ans d’Art aux Etats-Unis, collection du Museum of American Art, Berlin

Une exposition conçue par Elodie Royer et Yoann Gourmel
en collaboration avec le Salon de Fleurus, New York et le Museum of American Art, Berlin

« L’art se définit seulement au sein de l’histoire appelée Histoire de l’Art. Les artefacts présentés dans cette exposition ne sont pas des œuvres d’art. Ce sont plutôt des souvenirs, des échantillons prélevés de notre mémoire collective. » Walter Benjamin

« Il était une fois une histoire connue sous le nom d’histoire de l’art moderne… » Ainsi pourrait commencer sur le mode du conte l’exposition Les fleurs américaines, dont les personnages principaux seraient les artistes, les commissaires, les historiens, les collectionneurs tout autant que les œuvres, les expositions et les institutions au cœur de l’art du 20e siècle.

Elle réunit trois expositions qui reviennent sur l’élaboration du récit connu sous le nom d’histoire de l’art moderne, de ses origines au début du 20e siècle jusqu’à sa reconnaissance comme récit dominant dans les années 1950. Elle vise ainsi à en interroger les fondements et l’héritage tout en court-circuitant par le biais de la copie et de l’anonymat les critères d’originalité, d’unicité et d’authenticité des œuvres d’art, qui priment toujours aujourd’hui.

Mais si toutes les œuvres présentées dans l’exposition sont des reproductions, elles ne cherchent pas pour autant à dissimuler leur statut de copies : leurs dates de création sont inexactes et il semble que leurs producteurs n’aient en aucune façon cherché à répéter la matérialité des originaux. Ce que l’on voit ici, ce ne sont ainsi pas tant des œuvres d’art individuelles qu’une série d’artefacts organisés en histoires. Des souvenirs d’œuvres jouant un rôle particulier dans ce qui a contribué à définir l’« histoire de l’art moderne ».

La première de ces trois histoires rassemblées dans Les fleurs américaines débute au 27 rue de Fleurus à Paris entre 1903 et 1913. Intitulée Autobiographie d’Alice B. Toklas d’après le livre éponyme de Gertrude Stein, elle consiste en un souvenir du fameux Salon de Fleurus abritant sa collection d’art moderne. Une collection américaine d’art européen qui  devait fortement inspirer une trentaine d’années plus tard les parti-pris du directeur fondateur du Museum of Modern Art (MoMA) de New York, Alfred Barr, Jr.

La seconde partie de l’exposition, Musée d’Art Moderne, réunit 46 œuvres iconiques d’artistes européens datées de 1990 à 2035 et présentées suivant le diagramme d’Alfred Barr, Jr., reproduit en couverture du catalogue de l’exposition « Cubism and Abstract Art » au MoMA en 1936. Remplaçant notamment la notion d’« écoles nationales » par celle de « mouvements internationaux », cette exposition ainsi que celle intitulée « Fantastic Art, Dada and Surrealism » présentée au MoMA la même année, formulèrent une interprétation américaine de l’art européen tel que Barr l’avait représenté à travers son « arbre de l’évolution ». Elles jouèrent ainsi un rôle déterminant, formant le terreau sur lequel se développa l’art américain quelques années plus tard et contribuèrent ainsi à sa domination progressive sur la scène internationale après la Seconde Guerre mondiale.

Ce n’est en effet qu’après la guerre et l’émergence de la génération des expressionnistes abstraits que le MoMA commence à intégrer les artistes américains dans son récit de l’art moderne, en les situant dans la continuité des avant-gardes européennes et en les promouvant à l’étranger par le biais de son programme international. Dernier chapitre de notre histoire, l’exposition itinérante 50 ans d’art aux Etats-Unis (présentée au Musée National d’Art Moderne à Paris en 1955) est ici évoquée au travers de peintures reproduisant des documents d’archives et des pages du catalogue de l’exposition se mêlant aux copies de quelques uns des tableaux présentés dans celle-ci. Aujourd’hui considérée parmi d’autres projets itinérants du MoMA comme une forme de propagande culturelle ayant participé à la suprématie artistique des Etats-Unis, cette exposition marqua néanmoins une nouvelle étape dans l’écriture de cette histoire en y légitimant la place de l’art américain le plus récent sous les auspices d’un nouveau style « international ».

En jouant des catégories établies de l’original et de la copie, de l’histoire et de la fable, de la signature et de l’anonymat, de la peinture et de l’art conceptuel, Les fleurs américaines remet en mouvement les faits et stratégies ayant contribué à définir l’art au 20e siècle. En ce sens, il ne s’agit pas d’une exposition d’art moderne, mais d’une exposition contemporaine sur la construction de l’histoire de l’art moderne et la manière dont elle continue de définir les critères de l’art aujourd’hui.
Elodie Royer et Yoann Gourmel

Ce troisième volet des commissaires Elodie Royer et Yoann Gourmel associés à la programmation du Plateau pour la saison 2011 – 2013 est réalisé en collaboration avec le Salon de Fleurus, New York et le Museum of American Art, Berlin, un établissement pédagogique dédié à la collection, à la préservation et à la propagation de la mémoire de l’histoire de l’art moderne. L’exposition a été réalisée en partenariat avec la Haute école des arts du Rhin et l’Ecole supérieure d’art et de design de Saint Etienne.

 

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