Le Plateau
Paris

Prospective XXIe siècle

Commissaire de l’exposition : Xavier Franceschi

 

Avec les oeuvres de Pierre Bismuth/Michel Gondry, Jason Dodge, Elise Florenty, Michel François, Aurélien Froment, Ryan Gander, Mario Garcia Torres, Mark Geffriaud, Renée Green, Nate Harrison, Mark Leckey, Arnaud Maguet, Laurent Montaron, Bill Owens, Florence Paradeis, Emilie Pitoiset, Bruno Serralongue.

 

Conçue et réalisée à partir de nos récentes acquisitions, Prospective XXIe siècle se propose de réunir un ensemble d’œuvres qui, de façon très diversifiée, abordent, travaillent la question de la mémoire.

De l’exemplaire What Happens in Halifax Stays in Halifax (2004) de Mario Garcia Torres au Personal Props (2001) de Renée Green – pièce reprenant les titres de certaines des chansons chères à l’artiste –, du « Memory » revisité par Aurélien Froment (Table de rappel, 2010) au « remake » d’une photographie de Bill Owens par Florence Paradeis, en passant par l’évocation de Ryan Gander du film de Julian Schnabel sur Basquiat pour une mise en abyme aux multiples rebonds, chacune des œuvres de Prospective XXIe siècle pointe, dans un rapport à un passé plus ou moins lointain, une dimension d’écho, de répétition, que le spectateur est invité à expérimenter à son tour.

Cette dimension, qui implique de fait une notion de rythme, renvoie très naturellement au champ musical, et si nombre des pièces proposées s’inscrivent résolument dans ce domaine – ainsi Mark Leckey – jusqu’à se référer directement à certaines sources sonores précises – Arnaud Maguet, Renée Green, Nate Harrison, Emilie Pitoiset… –, l’écho évoqué est aussi celui d’une « petite musique » qui, proche de la litanie, nous rejoue un passé de façon lancinante.

Dans un tel contexte, et la volonté de viser à une véritable adéquation entre ce qu’indiquent les œuvres et la façon de les présenter – reprendre le motif général apparaît comme une parfaite nécessité –, la structure spatiale de Prospective XXIe siècle a été pensée d’emblée pour se faire elle-même l’écho des diverses notions ainsi abordées.

En l’occurrence, l’espace du Plateau est entièrement subdivisé en une série de petites salles quasi-identiques accueillant chacune une seule œuvre ou une série d’œuvres du même artiste : au-delà de la répétition qu’appréhende physiquement le visiteur et cette scansion – ce rythme – qu’il est amené à éprouver, la succession de ces différentes chambres (comme l’on parle de « chambres d’écho ») évoque les cases de notre propre mémoire que l’on se doit d’activer.

Ce jeu sur l’espace prend en partie appui sur l’œuvre de Michel François : une salle, et tous les éléments qui la constituent, se trouve intégralement dupliquée pour donner comme son titre l’indique un sentiment de « déjà vu » qui suffit à provoquer le trouble chez le spectateur. Pour Prospective XXIe siècle, alors que jusqu’à présent les deux espaces identiques se succédaient immédiatement tel un test de Rorschach en trois dimensions, ceux-ci sont proposés à distance l’un de l’autre, et si l’écho se fait donc plus lointain, il conforte le dispositif général de l’exposition.

Pour être plus précis, le système établi reprend le principe de l’oeuvre In search for brothers / A force from the past (2008) de Keren Cytter présentée ici même l’an dernier lors de l’exposition personnelle de la jeune artiste israëlienne : une façon de stimuler la mémoire des visiteurs les plus fidèles du Plateau…

Par ailleurs, cette conception et ce principe d’une salle/une œuvre expriment un autre parti pris fort : présenter, au-delà du fil conducteur ainsi proposé, chaque œuvre dans une parfaite autonomie. Et écarter par là même toute dimension basiquement thématique où les œuvres ne font bien souvent qu’illustrer un propos préétabli. Ce sont bien les œuvres qui définissent Prospective XXIe siècle et non l’inverse. La chose est tellement vraie que c’est précisément l’une d’entre elles – celle d’Arnaud Maguet – qui, telle une chanson pour un album qui la contient, donne son titre à l’exposition pour une reprise des plus appropriées. Mais la reprise ne s’arrête pas là : Prospective XXIe siècle, c’est aussi le nom d’une collection de disques de musique expérimentale du début des années 70 (que l’œuvre de Maguet intègre de façon explicite) pour un jeu temporel, un aller-retour entre passé et présent – voire un présent qui s’avère peut-être l’accomplissement d’un futur rêvé – déterminant ainsi autant de résonances, d’échos vifs et singuliers.

 

Diaporama

 

 

Journal d’exposition